Le tombeau est le port où nous arrivons tous après une navigation plus ou moins orageuse.
Proverbe oriental ; Les apologues et contes orientaux (1784)
Quand La Chair Succombe (1962) VOStFR tvRiP 720p x264 AC3 - Mauro Bolognini
Titre original : Senilità
Titre secondaire : Sénilité
Réalisé par : Mauro Bolognini
Produit par : Zebra Film Aera Film
Genre : Drame passionnel
Durée : 01:58:00
Date de sortie en salle : 8 mars 1962, 27 février 1963
Pays : Italie/ France
Avec : Claudia Cardinale, Anthony Franciosa, Betsy Blair, Philippe Leroy.
A Trieste dans les années vingt, Emilio, un modeste employé de bureau âgé d’une quarantaine d’années, fait la rencontre de la jeune Angiolina dont la beauté le bouleverse. Emilio ne veut s’engager, préférant ne pas bousculer la vie qu’il mène avec sa sœur, solitaire comme lui…
A Propos
"Senilità est l’adaptation du roman homonyme d’Italo Svevo. Qu’il s’agisse d’un roman autobiographique (Svevo avait alors 37 ans) témoigne d’une extraordinaire lucidité de son auteur dans le regard qu’il porte sur lui-même. La sénilité dont il est question dans le titre est celle de ce quarantenaire, éternel irrésolu, vieux avant d’avoir vécu. Le récit est assez fort, d’une belle profondeur (contrairement à ce que le titre français pourrait laisser croire). Des quatre acteurs principaux, seule Claudia Cardinale est italienne. Le film pâtit certainement de cette distribution cosmopolite et des doublages induits. La prestation de l’américain Anthony Franciosa n’exprime qu’imparfaitement la complexité de son personnage. La photographie est très belle, assez picturale. Bolignini nous livre un beau portrait de la ville de Trieste, brumeuse et pluvieuse. Senilità est un film sombre et assez remarquable, injustement méconnu."
Critique
Film intérieur et tourmenté, traversé par la Bora (vent houleux de la région) comme par la folie, habité par le fantôme insaisissable de l'amour parmi une Trieste très solitaire, Senilità aborde l'amour et ses affres sous un point de vue tragique – qui est celui d'Italo Svevo, écrivain italien auteur du roman éponyme, très moderne moralement et esthétiquement pour l'époque, ayant inspiré ce film.
La magnifique photographie de Nanuzzi, l'éclairage ainsi que la mise en scène de l'esthète cinéaste Bolognini définissent formellement - à travers les appartements clos, les cages d'escaliers vertigineuses, la profusion de miroirs où se dédoublent les corps, les reflets asymétriques, le parc plongé dans une pénombre solitaire et silencieuse, les ombres fuyantes courant sur les murs, le tramways strident, ... - le cadre où Emilio Brentani, le protagoniste, mais aussi Amalia, sa sœur, s'égarent intérieurement et se réfugient parmi un moi en proie au doute. Outre le grand soin apporté à l'image et aux espaces comme supports métaphoriques du drame personnel vécu par ces personnages, la partition musicale - ici plus classique que jazzy - très cohérente de Piccioni épouse parfaitement leurs va-et-vient mentaux.
Certaines scènes sont mémorables, comme celle où l'excellente Betsy Blair (Amalia dans le film), immuable vieille fille bourgeoise, soudain prise par le virus foudroyant de l'amour sans espoir, se défait, délirante, dans sa chambre comme s'il s'agissait de sa prison mentale, face à la glace; ou encore celle de la recherche désespérée d'Emilio dans la ville déserte et indifférente, guettant la présence d'Angiolani (la déjà sulfureuse Claudia Cardinale) comme la solution à son irrésolution sentimentale maladive.
A déplorer toutefois la bande-son en mauvais état - les sons off n'existant presque pas - et les monologues intérieurs du narrateur interne, trop écrits et à la limite du pathétique, donnant une certaine lourdeur à un personnage se fuyant constamment, n'osant finalement jamais se regarder en face, ni même les autres.
Hébergeur : Uptobox
Type : mkv
Qualité : tvRiP
Langue : Italien
Sous-Titres : Français
Taille : 935.95 MB
https://uptobox.com/8ihdy9w9l062
Une exclusivité signée : Chems
(Version qui figurait depuis des années in ma filmo Cardinale)
Claudia Cardinale
Me voilà devant un film beaucoup plus sombre de Mauro Bolognini.
D’abord la copie est très abîmée, les sous-titres anciens blancs se délitent et surtout l’histoire se déroule dans une atmosphère très éloignée de la Rome ensoleillée. Nous sommes à Trieste, sous la pluie et le vent, dans une Italie du Nord qui encore relativement récemment était autrichienne.
J’ai eu beaucoup plus de mal avec ce film qu’avec les deux précédemment cités. Pas pour des raisons météorologiques bien entendu, mais bien plutôt à cause du personnage central, plus précisément de sa trajectoire affective qui m’a fatigué. Je supporte peu les héros qui s’apitoient ainsi sur leur sort. Or, c’est toute la thématique du film : un homme (Anthony Franciosa) plutôt conservateur tombe amoureux d’une jeune femme (Claudia Cardinale) qu’il s’imagine angélique, mais qui se révèle être très libérée, à la limite d’être une pute même. Ce qui pose problème, je trouve. Ce manque de clarté à ce sujet provoque une ambiguïté malsaine, qui sous-entend qu’une femme libérée est plus ou moins une pute. Cicéron nous tape sur l’épaule et nous susurre “O tempora, o mores”. Certes, il convient de garder en tête le contexte de l’époque, néanmoins le regard porté sur cette jeune femme et la relation qu’elle noue avec le héros semble un brin condescendant d’abord, puis finalement misogyne.
Mais c’est le regard adopté par le héros lui même. Cela fait partie de cette orientation majeure que prend le film en dépeignant cette déchéance morale à laquelle il se livre. Un homme coincé dans une morale qui le décentre de la réalité. Il n‘est pas foutu de voir en cette femme ce qu’elle est vraiment et en construit une image erronée. Quand il se rend compte de son propre fourvoiement, il est déjà trop tard, il est passionnément amoureux et n‘est plus capable de se raisonner. Affectivement, il est aliéné à ces sentiments et ce fantasme modelé au départ, incapable de s’en défaire. Trop immature, il ne peut rompre avec cet idéal.
Il n’est pas plus capable de considérer sa soeur (Betsy Blair) comme une femme. Il la maintient sous sa coupe, la sur-protégeant ; il lui interdit de flirter avec son meilleur ami Stefano (Philippe Leroy). Par conséquent, il la tue à petit feu. La frustration naît de cette cohabitation dysfonctionnelle. L’austérité, la froideur, la stricte architecture de Trieste en hiver sont des parures très évocatrices du carcan dans lequel vivent cet homme et sa soeur.
Ce qui est formidable dans ce film reste la capacité de Mauro Bolognini et de ses deux co-scénaristes à ne pas non plus faire peser sur le personnage un jugement trop moral. Bien sûr, le récit plein de justesse maintient un certain équilibre entre les faits et l’opinion que l’on peut s’en faire. Il n’élude pas la part de responsabilité morale du héros, mais ne la fustige pas non plus. Le film montre l’évolution auto-destructrice d’un homme qui croit bien faire, pris à son propre piège.
Malheureusement, à titre personnel, j’ai peine à entrer en empathie pour ce genre de personnage. Il m’irrite même. Et sa déchéance ne réussit pas non plus à me toucher plus que ça. J’ai bien aimé l’idée d’ensemble, ainsi que la toute fin de cette fable, cependant les détails du voyage m’ont paru par moments bien longuets, difficiles à endurer. Je comprends toutefois ceux qui accrochent à ce genre de drame moral. Il y a un aspect “romantique noir” très puissant qui peut plaire.